Texte de l’association Louise and Co
Les Handiablé.e.s souhaitent partager ce magnifique texte vu sur la page Facebook de l’association Louise and Co 🐭
[ Juste un Bonjour ]
« Lundi, en entrant dans sa classe, Louise a dit pour la première fois ce qui sonnait clairement comme un « bonjour ». La maitresse, l’AESH et moi on s’est regardés : elle a dit bonjour, hein ? Oui …J’ai chialé dans la voiture.Tous les matins, la maîtresse, invariablement, s’accroupit à l’entrée de la classe pour l’accueillir avec un « bonjour » en langue des signes et en mots. Selon les jours : Louise s’engouffre dans la classe sans la regarder, ou lui fonce dans les bras pour lui faire un bisou. Ou encore mille variantes autour de l’esquive de « l’exercice ».Et ce matin-là : un bonjour. Les monèmes étaient un peu désarticulés et la prononciation cotonneuse. Mais Louise a voulu, et dit ce mot – en contexte.Il pleuvait ce lundi . Après avoir déposé Louise, je me suis hâté de rejoindre le parking. Je me suis assis. Et à l’abri des regards derrières les vitres perlées de pluie de la voiture, j’ai pleuré. Des larmes visqueuses comme du goudron. Des larmes qui étaient là depuis longtemps. Elles avaient fermenté en tellement d’idées sombres qu’elles avaient commencé à sédimenter mon sourire. Des larmes bi-gout.Des larmes qui font :« bravo Louise ». Des larmes qui rappellent à la patience. Des larmes de joie. Des larmes qui soulagent.
Et puis aussi des larmes qui font mal.Être parent d’un enfant avec handicap, c’est gravir des montagnes plus hautes que les autres parents. Vous vous lancez dans l’ascension. Vous regardez vos chaussures, le sol qui défile sous vos pas, vous êtes concentré chaque seconde à ne pas rouler sur les cailloux. Pas de larme, juste de la sueur.« bonjour ».L’AESH, la maîtresse vous regardent. Quel progrès. Vous redressez la tête. Vous êtes arrivé à un sommet. Vous soufflez.Et puis votre regard se porte au loin. Des dizaines d’autres sommets à gravir : des larmes de peur et de découragement. Des larmes de tristesse. Mais des larmes, elles aussi, qui soulagent. »
Rémy Doc