Polyhandicap et le soin ou les soins
Quand on parle d’enfants polyhandicapés – jeunes enfants, adolescents ou jeunes adultes – la mission de l’aidant familial est de tout faire pour leurs apporter tous les soins quotidiens nécessaires.
Du coup le mot soin est-il suffisant ? Il est parlant mais en même temps tellement pluriel.
J’ai l’impression que tout le monde comprend la portée de ce mot alors que finalement seuls les autres parents, les familles, les amis proches et certains professionnels savent ce qu’il représente en réalité.
Le soin, les soins, d’une journée classique, celle où tout va bien, sans soucis, sont même plus que pluriels :
La propreté : changer la couche ou protection (selon le terme que préfèrent les parents) plusieurs fois par jour même la nuit. Changer les vêtements entre la nuit et le jour mais aussi quand il y a des accidents, en faisant attention aux raideurs musculaires ou aux articulations ou même aux suites opératoires. C’est là qu’on apprécie l’été car c’est beaucoup plus rapide 🤭 Donner le bain ou la douche en espérant avoir un équipement suffisant car c’est une des opérations qui peut être la plus épuisante possible. Beaucoup ont à souffrir aussi du dos dans ce genre de moment. Je n’oublie pas non plus les multiples astuces pour l’aide à l’élimination des selles (massages abdominale, méthode plus invasive ou astuces de placement dans un filet de transfert ou un verticalsateur…). Enfin il y a aussi pour les plus encombrés, les aspirations respiratoires par la bouche ou le nez qui peut paraître rude mais qui soulage tellement l’enfant en évitant les complications.
L’alimentation : nourrir à la cuillère quand c’est possible, le plus souvent des repas mixés avec une petite minorité de jeunes qui peuvent prendre des aliments non mixés. Les régimes alimentaires sont souvent plutôt stricts, sachant que beaucoup ont des allergies alimentaires. Les difficultés du mixé, c’est d’arriver à conserver un équilibre mêlé de plaisir, d’avoir la bonne consistance avec ou sans petits morceaux, complètement lisse pas trop épais ni liquide. Pour l’hydratation c’est pareil. Il y aura les plus avancés qui boiront au verre, d’autres au biberon ou verre adapté et les autres auront droit à l’eau gélifiée donnée à la cuillère, ce qui donne l’impression qu’on les nourrit tout le temps 😁. Pour certains jeunes polyhandicapés, beaucoup trop malheureusement, ce sera un branchement de poches directement dans l’estomac, que ce soit pour l’eau comme pour les « repas ». Il faut alors penser aux approvisionnements et aux suivis, aux soins sur le bouton installé au niveau de l’estomac…
Jusque là, les parents peuvent avoir l’impression de revoir les premières années de vie avec leur enfant, il y a une certaine similitude à s’occuper d’un enfant polyhandicapé et d’un nourrisson… à part la taille et le poids, ainsi que les situations les plus compliquées médicalement.
Le suivi thérapeutique : donner des médicaments, on l’a tous fait. Dans le cas du polyhandicap, c’est évidemment au long court avec parfois les difficultés d’administration qui ne facilitent rien et la multitude de traitement qui rend tout plus lourd. Parfois jusqu’à dix molécules différentes par jour pour maintenir un équilibre souvent précaire. Plus de 50% des personnes polyhandicapées ont une épilepsie dont 20% d’entre elles sont sévères et résistantes ce qui entraîne une instabilité régulière. Il faut avoir alors un lien privilégié avec un spécialiste qui peut aider à passer tous les caps. Et des protocoles d’urgence au point 👍 évidemment c’est quand tout se passe « bien ». Car la moindre maladie peut venir ajouter du complexe dans un champ déjà alourdi. Les services des urgences, les pédiatries ou services de soins adultes, parfois les transferts sur des grosses structures, toutes les familles connaissent ces situations de crise selon les capacités de leur enfant. L’hôpital peut devenir même un endroit « familier » où les soignants sont plus des amis que des étrangers 😘
La prévention corporelle : les bleus, les griffures de pirates sur le visage, les rougeurs dues aux appuis, jusqu’aux escarres, c’est une manipulation très importante toute la journée. Il faut surveiller, protéger par des crèmes ou des solutions plus couvrantes, et surtout changer de position régulièrement. Encore une fois, il n’y a pas un polyhandicap général mais bien plusieurs formes de polyhandicap. Pour les plus agiles et mobiles, c’est un casque sur la tête ou une surveillance pour éviter un accident. Pour les moins moteurs, c’est des appareillages adaptés sur mesure et variés dans lesquels on va installer le jeune avec un timing à respecter. Pour certains appareillages, ça peut être plus de deux heures, pour d’autres on ne pourra dépasser trente minutes… C’est, du coup, de la manutention fréquente. Attention aux dos et aux mauvais gestes qui peuvent faire mal autant à l’aidant qu’à l’enfant surtout si celui-ci a eu des opérations du dos, des hanches, des pieds ou qu’il a des fixations d’articulation, des fragilités particulières.
Enfin, dans tout ça, il y a le soin de ce qu’on peut appeler « la Vie » : trouver le temps et l’énergie pour lui apporter des petits bonheurs au quotidien. Cette énergie, on pourrait croire après tous les soins vitaux qu’elle pourrait être affaiblie. C’est tout le contraire. Pour les aidants, c’est le principal enjeu ! Un moment de musique, un instant de câlins, beaucoup de rires, de la lecture, des massages, une baignade, énormément de bisous, des balades, des voyages pour les plus chanceux … Il ne manque pas de raison d’être heureux, même quand c’est compliqué et qu’on est épuisé. Le soin, c’est avant tout apporter une vie pleine et joyeuse le plus possible, une fois que tout est bon sur les soins dits essentiels 😍
Alors le soir, on se couche avec la certitude qu’on a été utile, que notre journée a compté pour notre enfant. Et c’est aussi pour ça qu’on se lève le matin après des nuits plutôt courtes, agitées voir inexistantes, avec l’envie de réussir une autre de nos journées marathons avec la médaille d’or imaginaire autour du cou♥️